Dans la première partie de cet article, nous laissions entrevoir quatre conséquences indésirables à la mondialisation des secteurs de la formation et de l’éducation:
- Des dépenses massives en importation d’applications et de systèmes;
- D’importantes pertes d’emplois;
- La présence éventuellement dominante d’entreprises étrangères dans un des derniers grands secteurs autonomes de notre économie;
- Un déficit récurrent de notre balance sectorielle des échanges se chiffrant en milliards de dollars.
Dans cette seconde partie, nous discutons de la stratégie et des moyens à prendre pour que le Québec puisse atténuer ce déficit et profiter au passage de cette autre vague de mondialisation.
Une nouvelle stratégie sectorielle
Aux fins du présent article, la figure 1 illustre sommairement les trois axes d’une nouvelle stratégie sectorielle à laquelle nous croyons que le Québec devra recourir dans les prochaines années s’il veut atteindre le plein rendement économique et social de son complexe du savoir.
1. Une offre de son temps
Un des grands changements à venir selon nous dans le monde de l’éducation et de la formation concerne ce que nous avons appelé le passage de l’intermédiation académique à une offre désormais axée sur la capture et le transfert de compétences utilisables en temps et en contexte réels. Un passage rendu nécessaire par un environnement mondial nettement plus compétitif qui remet en cause les compétences et le rythme d’apprentissage requis pour s’intégrer et se maintenir au travail.
Concrètement, cela signifie que dans les années à venir la tendance sera de délaisser les savoirs et les compétences conçus dans les facultés des sciences de l’éducation, les programmes de maitrise/doctorat et les officines gouvernementales. La principale raison étant que cette offre résulte trop souvent d’une intermédiation dénaturante peu conforme aux styles d’apprentissage et aux compétences réellement recherchées en temps et en contextes réels par la grande majorité des apprenants.
À l’inverse, nous aurons de plus en plus recours à des experts, des contenus, applications et réseaux de prochaine génération puisant directement à même les compétences réelles à haute valeur ajoutée déployées dans les différents milieux organisationnels, où qu’ils se trouvent dans le monde. Le but premier étant de garantir des apprentissages valorisants permettant de meilleures chances d’intégration et de maintien sur le marché du travail.
Une telle reconfiguration de l’offre n’est pas anodine. Comme nous le verrons plus loin, elle va exiger un nouvel appareillage de capture, d’adaptation, d’enseignement et d’intégration au marché du travail sur lequel nous reviendrons dans les pages suivantes.
2. Un complexe du savoir redessiné
Qu’on le veuille ou non, le Québec n’aura pas le choix dans les prochaines années de modifier radicalement la structure organisationnelle de ce secteur. La raison principale étant que si elles ne sont pas modifiées, les rigidités et les limitations actuelles de notre complexe du savoir permettront de moins en moins à nos gens et nos entreprises d’accéder aux meilleurs apprentissages disponibles.
Au contraire, si le Québec veut suivre le rythme imposé par la concurrence économique et édustrielle mondiale, il devra à notre avis se doter lui aussi d’un complexe édustriel ouvert et fort. Un complexe misant préférablement sur nos entreprises de prochaine génération capables de développer et déployer, ici comme ailleurs, les ressources applicatives, les composantes et réseaux d’apprentissage de prochaine génération servant le mieux la création de richesse de nos gens et de nos entreprises.
3. Un leadership sectoriel renouvelé
Le troisième axe stratégique sur lequel le Québec devra aussi avancer rapidement concerne son leadership sectoriel. Jusqu’à présent, notre complexe du savoir a été essentiellement guidé par un leadership éducratique. Un leadership s’appuyant sur un rapport de force éclaté entre différentes parties prenantes (ministère, entités administratives, politiciens, gestionnaires, grandes centrales syndicales et mouvement étudiant). Un leadership dont le niveau d’imputabilité et de performance laisse de plus en plus à désirer.
Or, si nous voulons profiter des moyens financiers, technologiques et humains nécessaires pour assurer la compétitivité de notre complexe du savoir, et par le fait même celle de notre économie dans son ensemble, nous n’aurons pas le choix de réviser ce leadership et les mécanismes de gouvernance s’y rattachant.
À notre avis, un leadership édustriel, que nous détaillons ci-bas, nous parait de loin le meilleur atout sur lequel nous puissions compter pour éventuellement avoir un complexe du savoir fort, innovateur et mobilisateur au Québec.
Suite: Quoi et comment enseigner au Québec?