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Voir partie 1
Comme mentionné dans l’introduction précédente, nous prévoyons que la demande et la composition des systèmes éducatifs de prochaine génération s’articuleront principalement autour de sept attributs que nous allons maintenant examiner tour à tour.
1. Adaptation de marché
À notre point de vue, ce premier attribut sera au cœur des besoins des différentes clientèles du secteur dans les années à venir. Il sera tout aussi présent à l’esprit des opérateurs de réseaux sans quoi ces derniers risquent de perdre une partie importante de leur clientèle. La figure 2 donne un aperçu des tendances et des besoins auxquels nous faisons référence.
À la lecture de ce graphique, peut-être serez-vous d’accord à croire comme moi que nous entrons actuellement dans une nouvelle phase durant laquelle nos systèmes d’éducation seront appelés à soutenir une plus grande prise en charge individuelle plutôt que collective comme par le passé. Il nous parait tout aussi clair que cette nouvelle phase sera aussi caractérisée par une demande allant dans le sens d’une formation générale certes, mais davantage assortie de compétences techniques et collaboratives mieux adaptées à un environnement plus compétitif et moins protégé socialement.
2. Des contenus réels de prochaine génération
Pendant longtemps, la création et la distribution de contenus au sein de nos systèmes éducatifs ont été l’affaire d’une production et d’une distribution essentiellement artisanale et locale. Cette configuration étant sans doute légitime compte tenu du marché captif, réglementé et protégé. Un marché cloisonné, s’il en fut un, dans lequel professeurs, chercheurs spécialisés, éditeurs locaux, éducrates et penseurs du domaine bénéficiaient d’une autonomie académique et organisationnelle quasi absolue.
Bien qu’il nous faille éviter les généralisations, force est d’admettre que ce développement ensilé, surtout dans le cas de programmes moins exposés à la demande directe des employeurs, n’a pas été étranger à la réputation peu enviable que s’est méritée nombre de courants de pensées et de réformes pédagogiques nées de tours d’ivoire et d’officines ministérielles et technocratiques qui ont donné cours à une offre globale qui ne s’est pas révélée aussi méritoire et adaptée que bon nombre d’apprenants, de parents et d’employeurs auraient souhaités.
Comme les perspectives économiques et sociales nous obligent aujourd’hui à être nettement plus pragmatiques que par le passé, l’on peut affirmer, sans trop risquer de se tromper, que les systèmes de prochaine génération seront les instigateurs d’un juste retour du pendule à la faveur de contenus et de trajectoires d’apprentissage dictés par des connaissances et des compétences ultimement garantes d’une quête plus avisée de l’amélioration des conditions de vie et d’emploi de chacun.
Parmi les victimes anticipées de ce ressac, soulignons l’enseignement basé sur des conceptualisations abstraites, des contenus et des méthodes pédagogiques développées in vitro ainsi que des curriculums offrant de faibles perspectives d’emploi et pour lesquels la demande s’amenuisera.
Ceci dit, ce n’est pas au niveau de la prise en compte d’un plus grand besoin de réalisme que s’effectuera la principale transformation des contenus. À notre avis, l’essentiel de la refonte proviendra d’une forte redirection de la demande en faveur de ce que nous anticipons être, une montée en puissance de contenus de calibre mondial. Nous parlons ici de contenus de prochaine génération plus attrayants et de qualité supérieure comparativement à ceux tributaires d’un marché actuel défini par une production professorale artisanale et d’une distribution à petite échelle.
Des contenus, dont le développement et l’accès sont aussi pénalisés à notre avis par un chauvinisme économique, idéologique et institutionnel ainsi que par des choix parfois discutables liés aux limitations et préférences personnelles des enseignants. Mais surtout, il en va des limites liées à une incapacité de plus en plus flagrante de la part des systèmes éducatifs actuels à soutenir financièrement et technologiquement le renouvellement des contenus et des outils y étant associés. Pour toutes ces raisons, nous prévoyons que la demande de prochaine génération ira massivement vers ce que nous avons appelé le marché édustriel applicatif mondial. Un marché dont le développement sera similaire à celui des marchés applicatifs de la téléphonie mobile et des secteurs de l’informatique et de l’information.
En vertu d’une économique nettement plus attrayante donnant à la fois accès aux meilleures ressources éducatives de la planète (professeurs, chercheurs, pédagogues, créateurs applicatifs) en plus de la possibilité de réaliser d’importantes économies d’échelle au niveau d’une production et d’une distribution mondiales plutôt que locales, on verra une prise en charge de la création de cette activité névralgique par des fonderies et studios éducatifs planétaires.
Nous sommes d’avis qu’en raison de la taille, de l’attrait financier de ce marché colossal ainsi que son potentiel élevé d’absorption technologique et d’innovation, nous assisterons à la création d’un marché mondial à l’intérieur duquel toutes sortes d’entreprises innovantes, des financiers ainsi que de grands groupes mondiaux rivaliseront sur la base de moyens financiers et technologiques inédits pour le secteur. On verra ainsi naître une dynamique concurrentielle fortement innovatrice générant une gamme de contenus et d’applications qui devrait susciter un engouement et une croissance de la demande s’apparentant à celle des secteurs précités.
Au risque d’idéaliser aux yeux de certains un tel développement, il est difficile de ne pas croire que de telles entreprises, attirées par un marché aussi tentant que pauvre au niveau de sa structure actuelle de production et de distribution, ne puissent conduire à autre chose que l’éclosion de contenus, d’applications, de produits, services et systèmes d’un nouveau genre dont la qualité, l’économique et le degré d’adaptation aux besoins des clientèles qui dépassent largement ce qui se fait actuellement.
Difficile de ne pas croire aussi qu’un marché applicatif aussi innovateur, concurrentiel et bien pourvu ne puisse arriver à être plus près des clientèles, à être à leur écoute, à mieux décoder les besoins, à émuler ce qui se fait de mieux mondialement en termes de pratiques individuelles et organisationnelles et à codifier ces mêmes actions et comportements dans le cadre d’applications et de contenus sans cesse renouvelés et désormais accessibles au plus grand nombre.
Difficile de croire également que de tels contenus et les outils d’encadrement s’y rattachant ne puissent pas s’avérer une valeur ajoutée pour les apprenants et les enseignants et qu’ils ne permettent pas au final d’apprendre plus et mieux. C’est évidemment sain d’en douter. Cependant, de rejeter cette éventualité du revers de la main, connaissant le niveau de performance atteint par les marchés applicatifs existants, ce serait faire preuve d’un biais idéologique malsain.
Personnellement, j’ai peu de doute. Malgré qu’il nous faudra poser des balises pour protéger le caractère noble et distinct du secteur et qu’il sera essentiel de travailler en parallèle à parfaire un encadrement humain stimulant et à valeur ajoutée, le point important est que ce marché applicatif sera à coup sûr au cœur de la transition vers des systèmes de prochaine génération plus performants que les systèmes actuels. Pour ce qui est des acteurs œuvrant actuellement dans ce domaine, il va de soi qu’ils devront rapidement adapter leur modèle d’affaire à cette activité qu’on peut déjà annoncer être en voie de désintermédiation et de mondialisation.
3. Un système opérant à sa valeur réelle
Pour capturer la demande future, les réseaux éducatifs devront en troisième lieu opérer à la valeur de leur contribution réelle sur le marché. Présentement, l’éducation est l’un des marchés les plus imparfaits qui soient. Pour peu que l’on ne se laisse pas influencer outre mesure par une aura institutionnelle surfaite aux relents encore religieux, force est de constater que bon nombre de pratiques et de structures sont à bien des égards révolues. La qualité des livrables dans le secteur est très variable, souvent mal évaluée et soumise à des mécanismes de remédiation rigidifiés par de trop fortes influences corporatistes, bureaucratiques et syndicales.
Son caractère encore trop contingenté en raison de ressources physiques et financières limitées, ses approches encore trop élitistes ou inégales (école privée, grandes écoles, discours académique, disparités sociales et régionales), son intensité capitalistique, la lourdeur et l’archaïsme de ses modèles organisationnels, ses faiblesses technologiques et financières sont autant de facteurs qui augmentent la probabilité d’une transformation radicale comme on a vu ces dernières années dans bien d’autres secteurs d’activités durement touchés et pourtant moins à risque au plan technologique, économique et concurrentiel.
Or, c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Nous avons ici un secteur ensilé, protégé, sous-financé, en mal d’un réoutillage majeur et aucunement aguerri à la concurrence qui s’annonce. Nous avons des infrastructures de plus en plus vétustes et des masses de personnel engagées au plus fort du boom des dépenses publiques durant les années 60-70 et d’un modèle de développement révolu qui nous place face à un automatisme de renouvellement à court terme alors que la croissance des revenus de l’État n’est plus au rendez-vous depuis les années 80 et que nous entrons dans une phase baissière. Mais surtout, nous sommes dans un creux paradigmique que peu de gens évoluant dans le secteur ont intérêt à voir et discuter.
Ainsi, au lieu de reconnaitre le changement, nous avons un secteur qui préfère ignorer les pressions économiques mondiales, la dégradation des économies nationales et la réduction des assiettes fiscales des gouvernements. Au lieu de faire preuve de volontarisme, la dynamique du secteur brouille presque volontairement les pistes de changements. Au lieu de risquer de se faire rabrouer par une gouvernance politisée, les gestionnaires du secteur avancent tête baissée.
Les plus braves politiquement, mais surtout les plus opportunistes, comme le sont bien des dirigeants syndicaux, n’hésitent pas à faire usage de la démagogie du juste et de la défense de l’étudiant orphelin pour maintenir une quête perpétuelle de ressources étatiques même si de nouvelles façons de faire pourraient déjà s’avérer plus saines et appropriées. Mais surtout, on n’hésitera pas à se braquer même lorsqu’il sera évident, dans le contexte de mondialisation et de consolidation à venir des économies nationales, que les États n’auront mathématiquement pas le choix de rouvrir les protections sociales et de réduire leur implication financière dans des secteurs prioritaires comme ceux de la santé, des pensions, de la sécurité du revenu et de l’éducation.
Or, qu’il s’agisse de la diminution des subsides de l’État, de l’impact qu’aura l’arrivée de concurrents, ou d’une demande qui règnera en maître comme jamais dans le passé, il ne faut pas un grand effort de réflexion pour prédire que rien n’y fera et que d’ici une dizaine d’années nos systèmes éducatifs n’auront guère eu le choix de disparaître ou de faire le nécessaire pour s’imposer par leur capacité à répondre aux besoins de leur clientèle dans un environnement nettement plus concurrentiel. Du coup, il faut s’attendre dans un avenir rapproché à ce que les clientèles, les contribuables, les employeurs et les gouvernements jettent un regard nettement moins complaisant sur nos systèmes nationaux actuels.
Un regard critique envers ce qui devrait déjà être considéré comme des structures éducatives éléphantesques trop coûteuses, impossibles à financer, trop lentes à s’ajuster, gravement tiraillées de l’interne, mal adaptées dans bien des secteurs aux besoins des clientèles et qui sans le savoir sont en voie d’être délestées de leurs clientèles les plus payantes. Des clientèles qui seront ciblées en premier lieu par des concurrents habiles à l’affut des formations à valeur ajoutée. Nous faisons ici principalement référence aux secteurs à l’avant-garde du marché de l’emploi, tels ceux des secteurs suivants: ingénierie, finances, informatique, médecine, administration, électronique, pharmaceutique, génétique, robotique, etc. Des secteurs dont il est clair que les étudiants seront les premiers à opter pour des écoles spécialisées de prochaine génération, créant ainsi un fossé encore plus béant entre les écoles et les programmes riches et pauvres.
Bien sûr, on s’attend à ce que cette transformation soit ralentie par une forte résistance politique, corporatiste, éducratique et syndicale. Reste qu’au final, le résultat nous parait inéluctable. Les nouveaux systèmes vont opérer à valeur réelle dès leur arrivée avec les avantages que cela comporte (supériorité de l’offre basée sur le marché applicatif combiné avec un avantage-coût important). La résistance aux changements au sein des systèmes actuels ne fera que renforcer la position des nouveaux entrants. Par indifférence, corporatisme et manque de vision politique et économique, plusieurs pays ce seront soumis à l’inertie politique d’un secteur surprotégé et historiquement revendicateur causant ainsi l’attrition de ressources financières désormais vitales pour la nation et provoquant du coup la perte d’opportunités majeures qui auraient permis de se positionner dès maintenant sur un marché mondial aussi colossal que stratégique pour l’avenir.
4. Un réseau ouvert et plus moderne
Compte tenu des développements précédents, nous nous attendons à ce que les diverses clientèles du secteur délaissent somme toute assez rapidement les réseaux éducatifs fermés qui sont l’apanage des systèmes actuels. Par réseaux fermés, nous entendons des réseaux dont l’offre est essentiellement bâtie autour du concept démodé de prestations de la part de professeurs scolarisés et titularisés à vie dont l’expertise, ou plutôt la spécialisation, trop souvent étroite et académique, fait que la capacité d’adaptation des systèmes actuels ne peut en rien rivaliser avec celle de réseaux ouverts s’appuyant sur un marché applicatif constamment renouvelé et rendant accessibles en temps réels les meilleures contributions mondiales. Par réseaux ouverts, il faut aussi comprendre que nous parlons d’un réseau constitué sur la base d’un assemblage optimal et renouvelable de ressources matérielles, humaines et numériques nettement mieux intégrées que dans le cadre des meilleurs modèles organisationnels actuels.
Trois prédictions nous viennent à l’esprit quant à l’évolution des réseaux de prochaine génération. Premièrement, en vertu des avancées prévues sur le marché applicatif et de fortes pressions à prévoir sur les coûts et les prix, il devient évident que la composante numérique jouera un rôle prédominant dans les réseaux de prochaine génération.
Deuxièmement, nous prévoyons que la composante ressources humaines sera réduite, sauf pour les tâches complexes d’encadrement et d’autres, à valeur ajoutée, qui prendront de l’ampleur. À cet égard, le point à retenir est qu’une adaptation importante sera requise afin que les gens du domaine s’avèrent la source de transmission, d’encadrement et de différentiation souhaitée par les clientèles.
Troisièmement, pour ce qui est des ressources matérielles, nous pensons qu’il faut s’attendre à d’importants efforts de réduction des dépenses qui iront dans le sens d’une forte désintermédiation. On aura davantage recours à des actifs virtualisés (laboratoires, bibliothèques, services d’aide et d’assistance et processus d’affaires). On pourrait même aller jusqu’à affermer la gestion, voire même céder la propriété des campus physiques à des opérateurs spécialisés pouvant offrir des réductions de coûts appréciables en vertu d’économies à l’échelle d’une ville, d’une région, voire au niveau mondial.
Peut-être serez-vous tenter de vous demander comme moi ce qui des joueurs du marché applicatif et des opérateurs de réseaux éducatifs seront les mieux placés pour servir la demande. Cela dit, c’est une question que nous gardons pour plus tard.
5. Des processus d’apprentissage personnalisés et adaptatifs
Au niveau des processus d’apprentissage, il faut s’attendre à des changements majeurs. Pour ceux qui en douteraient, la révolution du numérique éducatif est désormais bien enclenchée pour peu que l’on ne réduise pas celle-ci à l’utilisation des cours en ligne et des tablettes et des tableaux numérique dans les classes. Je n’insiste pas davantage sur ce point, car il fera l’objet d’un article complet prochainement.
Cela dit, il est clair que les réseaux de prochaine génération seront ceux qui chercheront le plus à se différencier sur le plan des processus, en misant notamment sur les dernières avancées technologiques en matière de personnalisation, d’adaptation et d’accompagnement des individus et des groupes dans leur processus d’apprentissage. L’objectif sera clair: développer implanter des processus plus attrayants, mieux adaptés à chacun et offrant au final une meilleure assimilation des connaissances et des compétences, et ce, à une fraction du coût réel des systèmes actuels.
Nous y reviendrons avec, je l’espère, une démonstration plus convaincante qu’une simple énumération d’épiphénomènes dont bien des analystes se contentent présentement. Cela me parait d’autant plus nécessaire que les limites des épiphénomènes que nous venons d’évoquer font actuellement trop le jeu de ceux qui crient encore aux mirages technologiques et qui cajolent encore la vision romantique de l’instituteur concepteur et défendeur de la connaissance.
6. Intégration de marché
Un des principaux attributs des systèmes de prochaine génération consistera selon nous à faire éclater le plafond de verre qui sépare actuellement le secteur de l’éducation du monde réel. Ainsi, nous pensons que la demande future sera non seulement favorable aux systèmes éducatifs qui se différencieront par leur aptitude à transmettre un savoir et des compétences bien réelles, mais elle sera encore plus favorable si ces systèmes ont aussi la capacité de se différencier en offrant une meilleure garantie d’intégration sociale ainsi qu’au marché du travail.
Dans ce contexte, il nous semble acquis que les systèmes d’enseignement se limitant au transfert simple de connaissances par l’entremise d’un personnel essentiellement formé au plan académique et opérant dans le cadre de programmes d’enseignement conçus in vitro seront les grands perdants de la transformation à venir. Le résultat sera le même pour les écoles, les universités et les instituts de recherche qui continueront de privilégier des sujets, des projets, des recherches, des méthodologies et des trajectoires d’apprentissage basés sur des conceptualisations abstraites dont l’apport pour la société, l’économie et les apprenants méritent une sérieuse remise en question.
Qu’il soit clair ici qu’il ne s’agit aucunement de museler la pensée critique ou la recherche fondamentale. Il s’agit plutôt de s’assurer que les besoins des clientèles priment sur ceux des offreurs. Or, disons-le franchement, derrière des positions aussi nobles que légitimes que celles de vouloir plus de Einstein ainsi que des jeunes qui ont une pensée constructive et qui ne sont pas que des travailleurs à rabais préparé au marché du travail, se cache trop souvent des exagérations de la qualité de ce qui est actuellement transmis ainsi qu’une quête déguisée trop souvent basée sur des intérêts personnels, dont ceux d’une éducratie désireuse de préserver son autonomie et ses privilèges.
Dans le même sens, on s’attend à ce que les systèmes de prochaine génération abandonnent les règles actuelles de promotion et d’émulation favorisant un personnel trop tourné vers l’académique. On s’attend aussi à ce que les principes d’ancienneté si chère aux syndicats et ceux de l’évaluation de la performance par des pairs plutôt que la clientèle ne fassent plus partie des systèmes de prochaine génération. On s’attend également à ce que les organismes de financement de la recherche, eux-mêmes guère assujettis à des règles de contribution claires, disparaissent ou voient leur mission et leurs contributions remises en question. Cette nuance étant faite, le point important est le suivant.
En raison du désencrage de la demande par l’intermédiaire d’un marché applicatif axé dorénavant sur une offre dynamique dans lequel la demande primera, nous nous attendons à ce que les systèmes de prochaine génération cherchent à se différencier des systèmes actuels par une meilleure intégration. C’est d’autant prévisible que la valeur octroyée par les apprenants et les employeurs à cette intégration sera énorme à notre avis. Suffisamment énorme nous pensons, au point de conduire à l’éclosion d’une gamme de produits de premier plan.
Personnellement, je m’attends à ce qu’une forte demande pour des produits d’intégration dicte éventuellement des investissements majeurs du côté d’applications évoluées et de passerelles favorisant l’expérimentation, la collaboration active ainsi que la virtualisation des compétences en milieu de vie et de travail.
Nous nous attendons à voir un maillage nettement plus étroit et symbiotique entre les concepteurs de tels contenus et les employeurs, certes plus que les systèmes actuels les plus compétents en la matière ont permis de réaliser jusqu’à maintenant, notamment ceux de l’Allemagne ainsi que les programmes techniques des grandes universités reconnues en la matière et dont les liens privilégiés et l’accès aux grands capitaux sont tributaires d’un niveau d’excellence qui masque la sous-performance généralisée de nos systèmes actuels. En clair, on s’attend à ce que la collaboration active entre le marché applicatif, les milieux de travail et l’école donne lieu à des développements sophistiqués comme le développement de simulateurs professionnels adaptés à toutes sortes de pratiques (ex, gestion, ingénierie, etc.) et d’industries.
Nous anticipons avec beaucoup d’intérêt, le développement de passerelles d’intégration virtuelles comme des cours-réalité basés sur une participation plus ou moins active de classes spécialisées pouvant ainsi mieux comprendre et éventuellement s’adapter aux pratiques réelles en entreprises de toutes sortes ainsi que dans le cadre de projets et chantiers phares. Pour ceux comptant œuvrant dans le domaine scientifique, on voudra virtualiser l’utilisation de laboratoire et d’outils à la fine pointe et suivre des cas de développements marqués à la fois par la réussite et l’échec. Tout ceci et bien d’autres développements d’avenir étant désormais rendus possibles par l’amortissement des coûts à l’échelle d’une clientèle élargie, voire mondiale.
Ainsi, grâce à ce niveau de symbiose augmenté, tant virtuel que réel via des stages en milieu de travail et des recherches et enseignements pilotés par des formateurs et des chercheurs-praticiens) on pourra ainsi atténuer une des graves lacunes des systèmes académiques actuels; soit leur tendance à reproduire in vitro, et j’ose dire ad nauseam, des conceptualisations et des trajectoires d’apprentissage souvent tributaires de la formation et des limites des enseignants ainsi que celles de leurs unités d’encadrement souvent prises elles-mêmes dans des querelles idéologiques et territoriales.
Mais surtout, on pourra, grâce aux systèmes de prochaine génération, s’éloigner d’approches et de contenus trop souvent académiques (Book-smart) alors que la réalité pourtant tellement évidente est que la grande majorité des apprenants ont besoin pour se réaliser pleinement de trajectoires d’apprentissage qui sont plutôt de types Work-smart, People-smart, Tech-smart en vertu desquels on pourra former des gens dont les réflexes et les comportements seront plus propices à soutenir l’innovation, l’engagement, l’entrepreneurship et la compétitivité dont nous aurons tant besoin dans le futur pour solidifier la création de richesse collective. Certains diront que cette lacune est actuellement comblée par la recrudescence des écoles spécialisées. C’est vrai, mais à notre avis cela n’est en rien comparable à ce que le marché applicatif et les réseaux ouverts de prochaine génération permettront dans le futur.
Enfin, il doit être clair que cet attribut d’insertion et d’intégration réussie exigera un changement de taille; celui que nos systèmes de prochaine génération soient dotés d’une gouvernance et d’un rapport de force accordant plus d’influence aux employeurs et édustriels émérites. Au contraire des systèmes actuels, ceux de prochaine génération auront sans doute compris l’importance de réduire l’influence d’une gouvernance publique trop souvent – disons-le poliment – diffuse, temporaire et apeurée politiquement par les risques politiques liés au secteur. Il faudra aussi réduire l’influence démesurée des syndicats et d’une éducratie plus préoccupés à assurer avant tout la défense de leurs intérêts. Surtout, si leurs intérêts sont directement remis en cause par la présente transformation. Et ce même si ces gens sont censés mieux incarner que quiconque le progrès économique et social.
7. Apprentissage en continu
Enfin, le septième et dernier attribut renvoie à une conception révolue du cycle éducatif selon laquelle l’école est un passage en vue d’obtenir un diplôme donnant ensuite accès au monde du travail en vertu duquel on pourra ensuite surfer pour parfaire ses compétences. Or, ce cheminement linéaire ne correspond plus à la réalité.
Aujourd’hui, et encore plus dans les années à venir, les emplois de qualité exigeront une spécialisation croissante. Ils seront aussi de plus courte durée et nettement plus difficiles à obtenir et conserver. Pour ces raisons et bien d’autres, nous pensons qu’une grande partie de la demande éducative de prochaine génération proviendra d’une clientèle adulte exigeant des services d’apprentissage en continu. Ce segment sera d’autant plus important qu’il sera au cœur d’enjeux majeurs sur le plan des individus, de la société et de l’économie. Pour comprendre son importance, et sous réserve que l’on ait désormais affaire avec un marché dans lequel on transmet des compétences valables et bien réelles, l’apprentissage diversifié en continu permettra d’éviter la perte d’emploi, d’obtenir une promotion et de faire progresser sa carrière.
Cet attribut permettra aux employeurs d’accroître la compétitivité de leur personnel et par le fait même de leur entreprise. On peut aussi penser à l’impact favorable que de tels parcours d’amélioration en continu auront sur les gouvernements qui verront ainsi une occasion de soutenir l’économie, protéger leur assiette fiscale et éviter du coup de devoir débourser des sommes considérables pour des mesures compensatoires liées aux pertes d’emploi et au chômage chronique. En ce sens, il y a tout lieu d’anticiper que les systèmes d’éducation et de formation de prochaine génération seront prompts à mettre de l’avant des solutions d’apprentissage personnalisées et de longue durée. On s’attend notamment à une demande importante pour des outils, des applications et des trajectoires continues ou ponctuelles visant principalement:
- la performance immédiate en milieu de travail et son amélioration continue;
- l’optimisation des cheminements de carrière;
- l’accroissement de la longévité professionnelle;
- la réintégration au travail après une perte d’emplois et un retrait prolongé;
- l’onboarding réussi à l’occasion de l’obtention d’un nouvel emploi et l’entrée dans un nouveau secteur ou dans une nouvelle entreprise.
Sur un plan stratégique, il est important de réaliser qu’en raison des ressources de pointe qu’il requiert en matière de contenus, de ressources d’encadrement et d’accès-réseau, nous pensons que ce segment deviendra hautement prioritaire pour les systèmes de prochaine génération. L’attrait financier important de ce marché majeur et l’influence et la complémentarité qu’il aura sur les ressources de pointe parmi l’ensemble du secteur pourraient faire en sorte que l’apprentissage en continu devienne, comme disent les Anglais, the tail that wags the dog où, à tout le moins, l’attribut ou le secteur qui assure le fonctionnement de la boucle et renforce la dynamique d’ensemble des systèmes de prochaine génération. Auquel cas, les stratèges du domaine auraient peut-être intérêt à repenser l’avenir de l’éducation en fonction de la révision du tracé séparant actuellement ce secteur de celui de la formation.
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